Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/356

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procher à l’écrivain dont nous parlons ici, — c’est de ne croire à rien.

Mais je me souviens, moi, d’avoir entendu dire cela dans mon enfance : je me souviens d’avoir moi-même beaucoup douté de tout, et je vois que toute ma vie, comme celle de mes contemporains, a été la poursuite du vrai. Nous avons donc tous et toujours cru au vrai, et nous y croyons plus que jamais, puisque plus que jamais nous le cherchons.

Est-ce que la jeunesse ne cherche rien ? La jeunesse est l’élément vivace de la conscience publique ; elle sent qu’elle a beaucoup d’erreurs à rejeter dès aujourd’hui afin d’être en mesure de les détruire un jour. Le doute qui nous fit tristes et forts, il y a trente ans, n’existe plus pour elle. La génération qui a trente ans aujourd’hui ne pleure plus les douces croyances que nous avons arrachées de nos âmes ; elle nie ce passé avec lequel il nous a été si amer de rompre, et elle le nie sans douleur et sans regret. Elle le nie fièrement ! Nous sommes, grâce à vous, plus forts que vous, nous dit-elle ; nés sur les ruines que vous avez faites, nous jouons avec, nous les regardons sans surprise et sans effroi, car nous voulons nous en servir pour rebâtir quelque chose que vous ne savez point. Pour vous, il est toujours question de relever des temples : nous ne voulons plus de temples ; ce qu’il nous faut, c’est une forteresse, en attendant que nous ayons une cité.

Eh bien, pourquoi non ? Ce qui effraie nos imaginations nourries d’un certain idéal, est encore l’idéal sous un autre aspect. La jeunesse veut s’affranchir de nos méthodes et se fortifier contre ce qu’elle appelle nos illusions. Qu’elle use de son droit. Elle arrivera par un autre chemin.