Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’espérance, ardente et dévouée en présence même de la Réalité qui la raille et la délie, est une chose grande et digne d’admiration ; mais ce n’est que l’Espérance, et, si la Sagesse n’est pas un vain mot, elle a droit d’estimer l’Espérance pour ce qu’elle vaut, c’est-à-dire comme un rêve.

Le bonheur des sens, le Plaisir insoucieux de la veille et du lendemain, le triomphe du corps sur l’âme peut sembler à l’Ironie elle-même, si hautaine et si fière qu’elle soit, un sujet de regrets plutôt que de compassion. L’isolement silencieux et désert de la pensée repliée sur elle-même peut donner la sérénité, mais non pas le bonheur. En présence des joies auxquelles elle ne saurait descendre, il est permis à la Raison de s’attrister sur l’atmosphère inhabitée où elle s’est réfugiée. Il n’y a dans cette tristesse résignée rien qui ressemble à l’apologie du libertinage. Le sage peut envier la courtisane sans cesser d’être sage. Platon peut être jaloux d’Aspasie sans estimer moins haut les enseignements de Socrate.

Que le Doute né du désabusement admire sans réserve la Passion sanctifiée par l’Épreuve et par la douleur, qui s’agenouille devant l’homme qui a traversé le vice et les tortures qu’il entraîne pour s’élever laborieusement à la sérénité du courage et de hi clairvoyance, est-ce là un sujet de scandale ? Il semble que toutes ces idées, ramenées à leur expression la plus simple et la plus nue, se défendant d’elles-mêmes et n’ont pas besoin d’apologie.

Que la foi religieuse qui suffit à consoler les âmes énergiques attise les feux d’un cœur faible au lieu de les éteindre, et pousse au meurtre un prêtre égaré par le jeûne et la veille, est-ce donc un si grand éton-