Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/107

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que dans le sabre des gardes municipaux et le bâton des assommeurs de la brigade de sûreté. D’ailleurs, les hommes d’État ne font point de poésie, chacun le sait. Vous ne me direz pas non plus qu’excepté M. de Lamartine qui vient d’en faire de magnifiques, et Béranger qui en a fait d’immortelles, les lyriques de nos jours[1] se soient beaucoup préoccupés défaire des poésies où la société humaine joue un rôle ; nous chercherions vainement chez eux autre chose que l’individualisme le plus solennel et le plus antihumain, sous des formes souvent admirables, mais rarement sympathiques, jamais utiles.

M. A. — Ils viendront à s’oublier un peu quand le mouvement social (puisque social il y a) sera mieux marqué. Ce sont des gens dont la montre retarde ; tandis qu’ils se regardaient au miroir, ils ont oublié de la remonter. Mais continuez.

M. Z. — Je vous disais que puisque les poètes des classes aisées ne s’inspirent pas des maux et des besoins de la société, soit qu’ils les méconnaissent, soit qu’ils les oublient, les poètes prolétaires ont bien le droit de s’en inspirer, eux qui les sentent si profondément, et qui pourraient dire avec le prophète : De profundis clamavi ad te, Domine. Ils se plaignent donc, ils s’effrayent, ils se désespèrent. « Eh quoi ! vous disent-ils, cette misère, cette angoisse, cet avilissement, ne finiront donc pas ? » Il en est même qui menacent et qui osent dire (les insolents !) : « Vous nous condamnez à tous les maux, à tous les opprobres ;

  1. Il faut en excepter M. Auguste Barbier, qui a fait dans Lazare une pièce intitulée : la Lyre d’airain, véritable chef-d’œuvre comme art et comme sentiment.