Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pagnol de Caldéron ; dans un troisième, un sombre et féroce pacha ? Quelquefois tous ces personnages, et une douzaine d’autres, s’entassent dans l’expression et le costume d’un seul homme, qui pourtant n’a rien de commun avec ces passions échevelées, cette domination farouche, ces intrigues espagnoles, et ce monde fantastique où tout se montre et se pavane, excepté un homme réel et une vie possible ? En vérité, ce serait un grand miracle que le prolétaire sans lettres eût trouvé ce qu’une énorme consommation de littérature de tous les pays, de tous les temps, n’a pu donner à un seul d’entre vos poëtes lettrés, une individualité de talent !

M. A. — En ce cas, puisque vous avouez que les vices et les ridicules de la littérature prolétaire sont les mêmes que ceux de la littérature aisée, avouez donc aussi que vous avez tort de vous émerveiller des progrès de vos prolétaires, et de les vanter comme vous faites. Car il faut que je vous dise tout ce que j’ai sur le cœur. Vous nous les gâtez affreusement, tous nos braves ouvriers. Vous leur donnez les moyens de se faire connaître, et vous les encouragez à affronter le public ! C’est bien ! je ne suis pas, je ne veux pas être de ceux qui leur disent : « Faites des vers, mais ne les publiez pas. » De quel droit leur interdirais-je de courir les aventures, les épreuves et les périls de la vie littéraire ? Ne trouverais-je pas fort mauvais qu’on me fermât la carrière, quand même il me serait prouvé que je n’y ai aucune chance de succès ? L’amour-propre du poète est insensé ; je veux qu’on respecte cette folie, et qu’on laisse l’artiste interroger le public à son aise, fût-ce pour en recevoir les étrivières. — Eh ! que diraient les