Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/135

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et de foi, que j’ai été retenu. S’il y a là de quoi se justifier auprès de nos accusateurs, il n’y a peut-être pas de quoi se vanter devant Dieu, qui voit plus loin que nous. Car il est dans ses desseins suprêmes que l’homme nouveau cherche à se dégager de son linceul, ou plutôt de ses langes. Il faudra qu’il en sorte à tout prix, qu’il se lève comme Lazare, qu’il marche et qu’il parle ; car il a bien assez attendu, bien assez gémi et assez rêvé dans cette nuit du tombeau où l’on prétend le retenir scellé sous la pierre. Ensuite, je vous soutiendrai que la régénération de l’intelligence est virtuellement dans le peuple, et que les efforts encore très-incomplets de cette intelligence pour se manifester sont le signal d’une vie nouvelle, que l’on peut prophétiser à coup sûr ; vie nouvelle qui n’éclora pas dans les classes moyennes, parce qu’elles ont accompli leur tâche et qu’elles touchent à la fm de leur mission. Il est donc certain que le génie du peuple s’éveille, tandis que celui des classes aisées va s’éteignant chaque jour. La vie du cœur étant finie chez ces dernières (en tant qu’elles résistent à la loi de fraternité), cette vie de l’intelligence qu’elles prétendent conserver isolée de celle du sentiment n’est que la vie d’un cadavre embaumé et paré pour la tombe. La vie de sensation, longtemps étouffée ou comprimée dans le peuple par la loi de la résignation chrétienne, s’est éveillée. Le peuple veut de l’aisance, du bien-être, une sorte de luxe, des satisfactions d’amour-propre. Eh de quel droit ceux qui disputèrent si avidement ces avantages à la noblesse durant plusieurs siècles viendraient-ils empêcher le peuple d’y aspirer à son tour ? Avec la vie de sensation, la vie de sentiment s’est éveillée aussi dans cette race qui pousse comme une forêt