Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/152

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de profession. Il y avait du moins dans sa manière de les louer quelque chose d’original, une emphase comique qui semble parfois voisine de la moquerie, et qu’un rustique comme lui pouvait seul faire accepter. Il invoquait, en l’honneur de ses héros et de ses demi-dieux du dix-septième siècle, un Jupin, un Neptun, et un Phœbus qu’il n’avait pas trop l’air de prendre plus au sérieux que les grands auxquels il s’amusait à les comparer. Il faisait le bonhomme (comme fait souvent Magu), et on sentait en lui, à chaque mot, le puissant goguenard, le Voltairien anticipé, le contemporain du grand Bayle ; si bien qu’on l’écoutait avec étonnement, se demandant si c’était la simplicité de sa condition et l’ignorance des bonnes manières, ou bien la verve satirique et hardie d’un esprit supérieur, qui le faisait parler si bassement et si familièrement à la fois. Aussi, après s’en être amusé un instant, et lui avoir fait les plus belles promesses, l’oubliait-on, peut-être par défaut de sympathie, peut-être à dossein et par une sorte de rancune qu’on n’avouait pas. Il est certain que de toutes les pensions et privilèges qui lui furent accordés, peu furent réalisés ; et (pie, protégé par les plus hautes puissances de l’État, il lutta constamment contre la misère. Voici une Épître au cardinal de Richelieu qui prouve et le peu d’exactitude qu’on niellait à lui payer la pension promise, et l’insistance narquoise du poète à la réclamer :

Grand princo, je suis de retour
Dans les pompes de vostre cour,
Pour me plaindre à vostre éminence
Que, par faute de souvenance,