Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/157

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pauvre et de l’opprimé vers les félicités du paradis, et consacrait l’inégalité sur la terre ; si bien que huguenot, ou catholique, l’homme du peuple ne pouvait plus espérer qu’un dédommagement dans l’autre vie, après avoir lutté humblement et patiemment contre ses maux dans celle-ci. Plus l’homme était fier, plus il songeait au rétablissement de l’égalité dans le ciei : mais il ne songeait pas à la conquérir ici-bas, et il aspirait à la mort pour rentrer nu dans la tombe, et reparaître nu à côté des monarques au jugement de Dieu. Telle fut la pensée dominante de maître Adam. C’était la plus populaire, la plus courageuse, la plus révolutionnaire qu’il pût avoir ; et, à la manière dont il la sentit et l’exprima, on peut-être assuré que, s’il eût chanté dans un siècle plus avancé, il en eût exprimé et chanté de même l’idée la plus avancée, la plus courageuse et la plus révolutionnaire. L’enthousiasme sauvage avec lequel, dans ses revers et ses humiliations, il se reportait vers cette loi divine de l’égalité devant Dieu, est bien facile à prouver. Il ne faut pour cela que le lire. Vous le trouverez, à chaque page, cet enthousiasme jetant, comme un éclair, son reflet incorruptible sur ces chants d’adulation et de mendicité dont la première apparence vous révolte. Mais voyez-la dans la colère, cette pensée ; comme elle est menaçante, comme elle est rude et fière, comme elle est peuple enfin ! Voici les fragments d’une Épître à un ami, toujours à propos de cette malencontreuse pension du Cardinal qu’on ne lui payait pas :

Daphnis, je suis fort estonné
Pourquoy tu m’as abandonné ;
Moy qui n’aspire qu’à la gloire
De vivre dedans ta mémoire.