Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/216

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dons, ou, pour parler plus simplement, messieurs, je me suis demandé quelquefois : que serait-il arrivé si un poëte dramatique éminent, de cette école que vous m’accorderez la permission de ne pas définir, mais que j’appellerai franchement l’école classique, si, au moment du plus grand assaut contraire, et jusqu’au plus fort d’un entraînement qu’on jugera comme on voudra, mais qui certainement a lieu ; si, dis-je, ce poëte dramatique, en possession jusque-là de la faveur publique, avait résisté plutôt que cédé, s’il n’en avait tiré occasion et motif que pour remonter davantage à ses sources, à lui, et redoubler de netteté dans la couleur, de simplicité dans les moyens, d’unité dans l’action, attentif à creuser de plus en plus, pour nous les rendre grandioses, ennoblies et dans l’austère attitude tragique, les passions vraies de la nature humaine : si ce poëte n’avait usé du changement d’alentour que pour se modifier, lui, en ce sens-là, en ce sens unique, de plus en plus classique (dans la franche acception du mot), je me le suis demandé souvent, que serait-il arrivé ?

» Certes, il aurait pu y avoir quelques mauvais jours à passer, quelques luttes pénibles à soutenir contre le flot. Mais il me semble, ne vous semble-t-il pas également, messieurs ? qu’après quelques années, peut-être, après des orages bien moindres sans doute que n’en eurent à supporter les vaillants adversaires, et durant lesquels se serait achevée cette lente épuration idéale, telle que je la conçois, le poëte tragique, perfectionné et persistant, aurait retrouvé un public reconnaissant et fidèle, un public grossi, et bien mieux qu’un niveau paisible, je veux dire un Ilot remontant qui l’aurait pris et porto plus haut. Car ç’a été le caractère ma-