Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de l’humanité par l’antithèse ; puisqu’enfin il lui plaît d’appeler ces choses-là du génie, et qu’il nous promet depuis longtemps à tous la lumière de la pensée, à la condition que nous croirons à l’importance première et absolue de la forme.

Nous ne sommes pas de ceux que la métaphore indigne et que l’antithèse révolte. M. Hugo s’en sert si bien, que, de très-bonne foi, nous admirons sa manière sans conseiller à personne de l’imiter. On perd toujours le peu qu’on a en soi en voulant copier les maîtres, on ne prend que leurs défauts, et si nous allions tous parler par antithèse, nous serions fort maussades. Mais je demande qu’on laisse tranquillement M. Hugo parler comme il lui plaît, puisqu’avec sa tendance naturelle, ou son système arrêté il parle admirablement. Loin de nous donc la pensée de contester son talent littéraire. Assez l’ont fait par jalousie. Il a eu parfois le droit de le contester et de traiter d’ennemis tous ceux qui ne l’admiraient pas sans réserve. Tout grand artiste a ses originalités qu’il faut admettre, parce que en tant que grand artiste il fait une qualité de ce qui serait défaut chez tout autre. Le bon esprit de la critique consisterait peut-être à dire en pareil cas : «Laissez à cet homme ses théories si elles sont exclusives. Elles l’ont élevé très-haut, mais elles vous feraient tomber très-bas. »

Nous ne voudrions donc pas qu’on le dérangeât si souvent dans sa gloire de poëte ; mais nous voudrions tort qu’on lui demandât ce qu’il entend par le génie, et qu’il daignât prendre un jour la peine de s’expliquer sur ce pouvoir mystérieux devant lequel, selon lui, l’humanité, consolée de tous ses maux, doit s’agenouiller en silence. Dans son discours à M. Saint-