Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/234

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tive du moment. L’art n’étant jamais qu’une forme plus ou moins nette, plus ou moins arrangée de la vérité sociale, et la vérité sociale ayant besoin de se formuler elle-même dans la politique, les artistes et les poètes n’auront guère à procéder que par de rapides improvisations, pour frapper l’attention publique. Les œuvres patientes et soignées ont besoin de calme et de temps. Les artistes, les vrais artistes, du moins, sont des hommes et des citoyens. Ils partageront l’émotion générale, anxiété ou enthousiasme, et, jusqu’à ce que la société soit assise, le sentiment agira plus que l’esprit.

Or, comme l’art est le travail de l’esprit sur le sentiment, et, pour ainsi dire l’enthousiasme réfléchi, nous pensons qu’il lui faut quelques semaines pour se raviver. Si nous nous trompons, tant mieux ! Si l’art se transforme avec rapidité et s’élance dans la voie nouvelle que nous présentons, comme le peuple s’est élancé dans la voie politique, nous serons enchantés d’avoir à nous rétracter, et aussi prompts à le féliciter qu’il l’aura été à se produire.

Nous avouons que, pour notre compte, le temps nous a absolument manqué depuis un mois pour suivre les théâtres, la littérature et le Musée. Ce que nous avons vu, nous l’avons vu un peu par hasard. Et le temps nous manque encore cette semaine pour en parler comme il conviendrait.

Nous citerons pourtant une bonne fortune que nous avons saisie au vol au théâtre de la République. C’est l’Aventurière, pièce nouvelle de M. Émile Augier. Une versification facile et pourtant colorée, un heureux choix d’expressions, un dialogue excellent, une langue accentuée et coulante, alliance bien rare au-