Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/248

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tails de mon premier âge, dans le conte intitulé les Aventures du petit Guillaume ; sauf le chapitre de la domesticité chez les Anglais, qui est une fiction, tout le reste est de l’histoire.

» Mon éducation a été celle de tous les enfants pauvres des campagnes, je ne suis allé que trois hivers à l’école de mon village, et encore j’ai été forcé de la quitter pour le travail des bras, avant de savoir écrire. Afin de mieux nous abrutir, apparemment, on nous apprenait à lire le latin, comme je l’ai dit dans mon conte.

» Pendant cette étude absurde, le temps se passait, l’âge du travail arrivait on quittait la classe et on n’y rentrait plus. La génération des hommes de mon âge doit pour cela bien des actions de grâce à la mémoire de Louis XVIII, ce bon roi de France et de Navarre, qui a tant souffert pour nous dans son exil, comme chacun sait, et qui le montrait si bien par sa figure.

» Le goût de la lecture me vint aussitôt que je pus comprendre ce que je lisais. Mes pauvres parents ne connaissaient ni a ni b : mais j’avais un oncle sabotier, qui possédait quelques livres et qui me les prêtait. Il me les donna même tous un jour, quand il vit que j’en avais soin et que j’en faisais mon profit.

» J’allais avoir onze ans, et je travaillais déjà depuis trois ans, lorsque mon père eut à la main un mal d’aventure qui le força de quitter son état. Il vint à Paris, résolu à se faire couper le bras ; mais, par bonheur, on le guérit. Nous étions six enfants à lui demander du pain. Il se fit portier pour nous en donner. En arrivant à Paris, je fus immédiatement mis en apprentissage chez un bijoutier. Le métier