Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/256

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débauché, un mauvais citoyen, un mauvais père, un mauvais fils ; il battait sa femme, il prêchait le meurtre et le pillage, etc. La réaction n’a pas fait de grands frais d’imagination dans ses intrigues électorales, car, sur tous les points de la France, le même jour, à la même heure, les mêmes calomnies ont été lancées contre les républicains. Quant à Gilland, personne ne pouvait avoir de haine politique contre lui, et ceux qui s’attachaient à le calomnier ne le connaissaient même pas. Mais c’était un homme du peuple, un homme de progrès, et il ne fallait pas de ces hommes-là.

Gilland était rentré dans son faubourg et gagnait sa vie tant bien que mal, l’ouvrage n’abondant plus, lorsque éclatèrent les événements de Juin. Au milieu de la mêlée, voyant le faubourg envahi, sa maison menacée par les boulets, son rôle impossible, car il ne pouvait ni se mêler à l’insurrection qu’il ne comprenait même pas, ni marcher contre ses frères égarés, il prit ses enfants dans ses bras, et, suivi de sa jeune femme, il sortit de Paris, avec des peines et des dangers extrêmes. Il se rendait à Lizy auprès de son beau-père, le poète Magu, auquel il voulait confier les objets de son affection. Mais à peine arrivé à Meaux, des groupes de furieux s’élancent sur lui, des hommes exaspérés par l’horrible malentendu qui, en ce moment, avait saisi la population de vertige d’un bout de la France à l’autre, s’écrient : « Le voilà, ce républicain, ce factieux, cet ennemi de la famille et de la propriété ! Il fuit, c’est un chef d’insurgés, ce ne peut être qu’un communiste. » On arrache ses enfants de ses bras, on l’insulte, on l’aurait tué si la garde nationale ne fût intervenue et ne l’eût arrêté pour le sauver. En toute autre circonstance, il eût été