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Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/265

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Ces types, parfaitement dessinés, ont chacun leur costume, leurs gestes traditionnels, et même leur langue particulière ; car, jadis en Italie, et même en France, l’Arlequin parlait le bergamasque, Pantalon le vénitien, le Docteur le bolonais, etc… Le même acteur représentait constamment le même personnage, et s’identifiait complètement avec lui. Il léguait à son successeur les formes de langage, les attitudes, les lazzis qu’il avait appris de ses devanciers. Chaque rôle était écrit d’avance, pour ainsi dire ; c’était l’œuvre du temps à laquelle les comédiens ajoutaient, de génération en génération leurs inspirations personnelles.

Si l’art de jouer la comédie à l’italienne n’était point un miracle, il demandait néanmoins des talents supérieurs, et la plupart des comédiens français ne les ont point égalés. Molière, auditeur assidu et admirateur fidèle de Scaramouche, s’était formé à l’école des improvisateurs italiens. Un siècle plus tard, la comédie italienne, à son déclin, excitait encore l’enthousiasme des hommes, de Grimm, le critique officiel des princes d’Allemagne : « Si vous voulez savoir quels sont les meilleurs acteurs de Paris, je ne nommerai ni le Kain, ni mademoiselle Clairon ; mais je vous enverrai voir Camille, et l’acteur qui joue ordinairement le rôle de Pantalon, et vous direz : « Voilà des acteurs ! »

La comédie improvisée formait de grands comédiens ; elle développait de plus, dans les auteurs, certaines qualités importantes, quoique secondaires, de la composition dramatique. Comme des caractères donnés à l’avance laissaient peu de ressources aux hommes de génie qui auraient pu en créer de nou-