Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

livre. On ne sent pas, dit-on, son indignation contre le mal. Qu’importe, s’il vous la fait sentir à vous-même ? Il s’abstient de juger. Cela est tout à fait permis à qui met le lecteur à même d’être bon juge.

D’autres ont dit : a Cette femme coupable a trop d’excuses dans son ennui, et cet ennui est trop fondé. Au sein d’une vie si plate et de gens si lourds, que vouliez vous qu’elle fît ? Pouvait-elle ne pas s’égarer ? Donc ses égarements sont présentés comme inévitables, et le livre est dangereux. »

Je crois que l’auteur pourrait répondre tout simplement : « Si vous croyez au libre arbitre, dites-vous à vous-même que cette femme était libre de choisir : mourir d’ennui ou de remords. Elle a choisi la plus douloureuse fin. Femmes ennuyées, choisissez. »

Et nous ajouterions volontiers : « Ne mourez ni de remords ni d’ennui, vous qui êtes mères. Pour vos enfants, sachez résister à l’un comme à l’autre. »

Tout en causant, nous n’avons donc pas voulu conclure que l’auteur fût rivé à tout jamais à la doctrine du fatalisme, et nous avons conclu seulement que, s’il en est ainsi, ses livres ne feront pas école pour cela, à cause du talent qu’ils révèlent. Quand les réalistes ont proclamé qu’il fallait peindre les choses telles qu’elles sont, ils n’ont rien prouvé pour ou contre la beauté et la bonté des choses de ce monde. S’il leur arrivait de faire avec ensemble, et de parti pris, la peinture d’un monde sans accord et sans lumière, ce ne serait encore qu’un monde de fantaisie, car le monde vrai est sans relâche enveloppé de nuages et de rayons qui l’éclairent ou le ternissent avec une merveilleuse variété d’effets. Qu’il soit donc permis à chacun et à tous de voir avec les yeux qu’ils ont. Laissons les réalistes