Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/310

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aussi sérieuse que désintéressée, il a pour ainsi dire sauté d’Aller à Brest, en passant par Oran, Gibraltar, Tanger, Cadix, Séville, Lisbonne, les Açores, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse, New-York, Washington, les camps de Bull’s-Run, les grands lacs du nord jusqu’au fond du Superior, les prairies jusqu’à la limite de la civilisation, le Mississipi jusqu’à Saint-Louis, le Niagara, le Saint Laurent jusqu’à Québec ; puis, après le retour à New-York, Boston, Saint-Jean, et l’Atlantique par la route du nord. Six mille et quelques cents lieues de terre ou de mer en trois mois et vingt jours, sans presque jamais savoir vers quel but on marche, c’est un spectacle assez émouvant quand, la veille du départ, on n’y avait jamais songé.

Le prince Napoléon, en fixant l’époque de sa tournée d’agrément et d’instruction, avait en lui-même la somme voulue des notions acquises, raisonnées et spécialement applicables à chaque point de son observation personnelle. Il lui suffisait donc de consacrer quelques jours, et parfois quelques heures, à l’examen des hommes et des choses qu’il savait d’avance, et à l’égard desquels son jugement avait pour se fixer des bases toutes préparées.

En outre, le désir exprimé par la princesse Clotilde de faire avec le prince la traversée tout entière dut modifier les projets. Comme, malgré la vaillance d’esprit et de cœur qui caractérise si vivement la fille de Victor-Emmanuel, il eût été imprudent de l’exposer à des fatigues au-dessus de son sexe, on dut, en la laissant à New-York, hâter la course à travers le nouveau-monde, afin d’abréger autant que possible les jours d’attente qu’elle avait bravement voulu supporter.