Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/324

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parfaitement divins, s’ils étaient parfaitement beaux.

Sont-ils divins en effet ? Au point de vue du christianisme primitif, non. Ils sont trop splendides de jeunesse et de force. Au point de vue moderne, ils manquent à la couleur historique religieuse. Ils n’appartiennent pas à la race sémitique. Ils sont Romains pur sang. Ni le costume ni le type de la Vierge ne donnent l’idée de la foi austère des premiers chrétiens. Cette madone italienne n’est pas la Vierge extatique du mythe ; ce robuste bambino n’est pas le futur missionnaire du renoncement, le prophète de l’idéal, le crucifié volontaire, pas plus que le terrible maudisseur du Jugement dernier de Michel-Ange n’est la victime expiatoire de l’Évangile. Ce qui caractérise les maîtres de la renaissance, c’est la puissance et la liberté de leur interprétation ; c’est leur volonté de réhabiliter le culte de la forme. Sans aucun souci de la tradition, des détails légendaires et des attributs symboliques consacrés par les siècles, ils suppriment les nimbes d’or et ne craignent pas d’attenter à la majesté du sujet en indiquant à peine un léger rayonnement autour des tètes sacrées. Ils sont artistes avant tout, artistes plus libres que ceux d’aujourd’hui vis-à-vis de leur sujet, tantôt plus recherchés, tantôt i)lus naïfs, selon leur disposition du moment, et variant leur idée au gré de leur inspiration. Rien dans l’œuvre de Michel-Ange ne ressemble moins au Christ du Jugement dernier que celui de la Pietà ; rien, dans l’œuvre de Raphaël, ne diffère plus de la Vierge au voile de notre musée que la Vierge à la chaise. La première, agenouillée devant l’enfant endormi, le préserve du soleil avec une grâce un peu maniérée et un air de sollicitude plutôt religieux que maternel. L’autre, complétement