Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/326

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que le petit Baptiste a montré à l’enfant Jésus une croix qu’il ne voulait pas regarder. L’enfant Jésus est en colère et il boude ; le petit Baptiste pleure et demande pardon.

Celte naïve critique disparaît entièrement devant la peinture originale et devant la reproduction fidèle et sincère due au burin de Calamatta. Ici le traducteur n’a point cherché à exagérer la puissante personnalité de Tenfant Jésus par une expression de fierté sauvage. Haphaël et les grands maîtres de son temps ne connaissaient pas ces recherches de la pensée, et ils arrivaient au but par les simples moyens de la vérité. L’enfant Jésus de Raphaël n’est pas tourmenté de l’esprit prophètique sur le sein chaste et paisible de sa mère. C’est un véritable enfant du peuple dont le regard clair et pur reflète l’innocence céleste du premier Age, et, malgré cette réalité complète, l’idéal divin émane de lui, grâce à ce je ne sais quoi d’insaisissable et d’inexprimable qui est le cachet du génie. L’enfant Baptiste n’est ni pleureur, ni extatique ; il est enfant aussi, il sourit à son bien-aimé avec une naïveté charmante, et sans ses mains jointes il ne détruirait en rien la placidité rêveuse de rensemblc. Quant à la mère, elle n’a aucune mélancolie, aucun pressentiment, aucune extase. Elle est la candeur personnifiée ; elle ne réclame aucune vénération, elle est bien plus forte que cela, elle l’inspire.

Voilà le grand mérite de cette nouvelle production de Calamatta ; c’est de mettre devant nos yeux et de faire entrer dans notre esprit la véritable pensée de Raphaël, si indignement travestie par la foule des imilak’urs de ce chef-d’œuvre.

Passavant, dans son minutieux catalogue de l’œu-