Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/334

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une entière indépendance que de se faire classer dans une série quelconque. Qu’ils aient eu tort ou raison, qu’ils se soient isolés par orgueil mal entendu ou par un véritable sentiment de leur dignité, là n’est pas la question. L’Académie a sa fierté et son orgueil aussi. Elle n’offre pas ses fauteuils ; elle veut qu’on se les dispute et qu’on les prenne d’assaut. Il n’y a donc pas de sérieux reproches à lui faire, quand elle laisse dehors les gens qui ne désirent pas entrer.

Lui reprochera-t-on, avec plus de justice, la tendance que, sans la lui reprocher, nous signalions tout à l’heure ? Dira-t-on qu’elle est fort coupable d’avoir laissé troubler sa sereine atmosphère par des questions religieuses et politiques ? Non, en vérité. Elle a subi la fatalité du progrès qui ne permet plus à l’esprit humain le culte étroit de l’art pour l’art. Au temps de sa fondation, l’Académie ne se trouva point aux prises avec des problèmes sociaux trop compliqués. La royauté héréditaire n’avait pas été contestée. La noblesse était encore un titre que les gens de lettres ne révoquaient pas en doute, puisqu’elle était leur protectrice et l’appui du développement de leur renommée. La religion officielle n’était en lutte qu’avec d’autres programmes religieux, appartenant comme elle au christianisme. La philosophie indépendante n’avait pas encore arboré son drapeau. On pouvait donc se dire et se persuader que certaines questions ne seraient jamais soulevées dans le monde des lettres et que les opinions personnelles n’y seraient représentées que par des nuances. Dès lors la mission d’un jury purement littéraire était possible. La tolérance mutuelle pouvait s’exercer sans trop d’efforts. On pouvait, sans grand mérite, se dire que l’on passerait,