Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/336

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la société, c’est la philosophie, c’est la politique, c’est l’ensemble et le détail des fermentations de l’histoire contemporaine.

Les choses en sont venues à ce point, et ce n’est pas la faute de l’Académie. Elle a résisté, on dit qu’elle résiste encore ; du moins, elle nous révèle de temps en temps, par la bouche de ses élégants coryphées, le désir naïf de nous parquer dans l’aimable forteresse du vieux bon goût, et dans le jardin fleuri des douces habitudes. En d’autres termes, c’est le programme de certains éditeurs timorés qui, dans les temps de crise, proposent aux écrivains, — je n’invente pas, — des traités ainsi conçus : M.*** s’engagera à nous faire un roman de mœurs qui ne traitera ni de la religion, ni de la propriété, ni de la politique, ni de la famille, ni d’aucune question sociale à l’ordre du jour. Mais, comme les coryphées de l’Académie ne sont pas des éditeurs responsables, leur opinion personnelle perce à travers les conseils de leur prudence, et ils se hâtent d’ajouter à cet arrêt : Préservez-vous d’avoir une opinion nouvelle, ce corollaire très-significatif : L’absence d’opinion nouvelle, voilà l’opinion des honnêtes gens.

Le mot d’honnêtes gens revient souvent et textuellement en cette rencontre. Que tous les écrivains qui attaquent quoi que ce soit dans l’ordonnance actuelle de la société, abus, préjugés, erreurs, mauvaises coutumes ou idées fausses, se le tiennent donc pour dit. Ils sont de malhonnêtes gens. Certains académiciens l’ont proclamé avec toute la courtoisie de style qui les caractérise, et la majorité a opiné du bonnet dans ce sens : Amen !

On pourrait remarquer que, dans cet anathème