Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/430

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nombreux personnages. Il y a là l’étude approfondie de tous les types et de tous les actes bons et mauvais qui influent fatalement sur une situation particulière. Dès lors le scénario du roman, multiple comme la réalité vivante, se croise et s’enlace avec un art remarquable. Tout vient au premier plan, mais chacun y vient à son tour, et ce n’est pas une froide photographie que vous avez sous les yeux, c’est une représentation animée, changeante, où chaque type agit en passant avec son groupe de complices ou de dupes, avec le cortège de ses intérêts, de ses passions, de ses instincts. Ils traversent rapidement la scène, mais en accusant chaque fois un pas de plus dans la voie qu’ils suivent, et en jetant un résumé énergique, un court dialogue, parfois une phrase, un mot qui condense, avec une force de naïveté terrible, la préoccupation de leur cerveau.

Gustave Flaubert excelle dans ces détails, qu’on dirait saisis sur nature, dans ces mots que l’on croit avoir entendus, tant ils parlent juste du caractère et de la situation. Sous ce rapport, il est logicien comme Balzac, qui inventait des choses plus vraies que la vérité même.

L’analyse d’un ouvrage si complet est impossible. À la lecture, la complication disparaît, tant l’action de chacun est bien placée sur son rail. On s’inquiéterait à tort d’avoir à faire connaissance non avec cinq ou six personnages, mais avec un groupe nombreux, une petite foule. L’auteur vous présente et vous ramène adroitement tous ses types. Ils marchent sous la tourmente qui les pousse au dévouement, au mensonge, au mal, au ridicule, à l’impuissance ou au désenchantement. Il faudrait les citer tous, car tous ont une va-