Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/54

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de rien. Il faut accepter la condamnation, si injuste qu’elle puisse être ; il faut se résigner et attendre du temps la justice lente, mais inévitable, qui ne manque jamais aux pensées vraies. Ce parti, qui, dans le plus grand nombre des cas, est à coup sûr le plus sage, n’est pourtant pas toujours acceptable. Depuis quelques mois, les attaques dirigées contre l’auteur de Lélia ont pris un caractère tellement grossier, tellement personnel, qu’une réponse publique est devenue nécessaire ; toutefois il faut faire dans ces attaques deux parts bien distinctes ; la part littéraire, que la discussion peut aborder ; la part sociale, qui, n’ayant rien à faire avec le raisonnement, ne peut être le sujet d’une préface.

On a dit que Indiana, Valentine et Lélia étaient trois moments d’une même pensée, trois faces diverses d’une intention unique, trois expressions d’une même volonté, et que les deux premiers livres demeuraient obscurs et inexpliqués sans le troisième. Sans doute il y a entre ces trois livres une fraternité incontestable ; mais cette fraternité intellectuelle n’entraîne pas de droit la solidarité littéraire. Il se peut donc faire que l’un de ces trois livres vaille beaucoup moins que les deux autres, offre moins d’intérêt, soit construit sur un plan plus irrégulier, sans que pour cela le blâme et l’excommunication doivent envelopper dans un commun anathème toute la famille littéraire de l’auteur.

L’acharnement inattendu des reproches adressés à Lélia, et la rétractation inopinée des éloges si indulgemment prodigués jusque-là à ses sœurs aînées, font peu d’honneur à la clairvoyance des critiques. Cette colère rétroactive, qu’on y prenne garde, ne va pas à moins qu’à proclamer tout haut que les panégyristes