Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chants à tous les actes de leur misérable vie : ils ont des chants pour la prière, pour les combats, pour la chasse ou pour la pêche, des chants rimes et rhythmés ; ainsi, en apparence si près de la brute, ils portent cependant la marque indélébile de leur haute origine, et se font reconnaître de leurs frères en se joignant à l’hymne universel qui de la terre s’élève incessamment vers le ciel.

» Non, aucun des dons que le Créateur a faits à l’homme n’est destiné à périr ; non, la poésie ne meurt pas ; elle se transfigure ou se déplace, mais elle existe toujours. À l’origine des sociétés, elle préside à tous les actes faits en commun, elle n’est alors qu’un chœur général. Plus tard, quand d un consentement unanime les hommes ont remis le pouvoir aux mains d’un seul, il arrive qu’à l’entrée d’un siècle apparaît quelque grande figure qui résume en soi, aux applaudissements de ses contemporains, toute la poésie d’un peuple ou d’une époque. Puis, bientôt l’esprit humain se lasse de cette sublime synthèse : l’individualité commence à se faire jour : chacun veut dire son mot, expliquer sa souffrance, formuler son désir ; Les classes diverses de la société viennent l’une après l’autre figurer sur la scène ; les classes élevées, la bourgeoisie, le peuple, les femmes enfin, d’abord rares et timides, puis plus nombreuses et plus hardies. Comme dans une œuvre savante de Beethoven, la phrase harmonieuse parcourt l’orchestre, répétée tour à tour par chaque instrument. Quand le silence se fait d’un côté, tournez-vous de l’autre et écoutez ! vous retrouverez la sublime mélodie. Vous vous plaignez qu’autour de vous tout est aride, stérile et desséché ; faites un pas hors de l’enclos qui borne vos