Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/342

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de fusil de la pauvre barque, en remettant au lendemain le soin de son inévitable capture.

Mais elle a compté sans le roman, sans le miracle, sans l’audace du partisan. Avec ses douze hommes, il tire la barque à terre, lui fait traverser le cap et va la remettre à flot sur l’autre flanc de la goélette ; avec ses douze hommes, il monte à l’abordage, fait l’équipage prisonnier et rentre triomphant sur le navire devenu sa conquête.

C’est là qu’une autre fois, à la tête de trois cents hommes, il est cerné par trois mille ennemis ; qu’il essuie leur feu sans bouger, les attend à la baïonnette, les disperse et les poursuit. C’est là qu’il forma cette fameuse légion italienne dont on disait là-bas qu’elle n’était pas composée d’hommes, mais de diables, et que, quant à son chef, il ne serait jamais ni tué ni pris, ayant la force de cent hommes et le corps invulnérable.

Dès lors, Garibaldi devient un personnage épique. De retour à Nice avec une partie de ses légionnaires en 1848, il se jette corps et âme dans la guerre contre l’Autriche, et le prestige qu’il a cru laisser au fond de l’Amérique l’entoure d’une auréole nouvelle. Ce sont tous les jours des combats homériques, des coups de main d’une vigueur et d’un bonheur qui font croire aux uns que c’est le diable, aux autres que c’est Dieu qui dirigent son bras et préservent sa vie.

À Rome, où Garibaldi a couru au secours de la patrie menacée par le César allemand, un funeste malentendu amène une collision entre la raison d’État