Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/349

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nations d’une manière sensible. Nous n’en sommes pas surpris. Garibaldi ne ressemble à personne, et il y a en lui une sorte de mystère qui fait réfléchir. Lès têtes légères veulent peut-être qu’il doive son prestige à la jeunesse, à la beauté ; les uns disent à sa force physique, à sa voix de stentor ; les autres disent à sa taille gigantesque, à son costume de théâtre, etc. Heureusement rien de tout cela n’est vrai aujourd’hui, et le prestige dure encore. Garibaldi porte le costume qui convient à son emploi militaire, il n’est plus de la première jeunesse, il a plus de noblesse et de sérénité dans la physionomie que de beauté dans les traits. Il n’a rien d’un mastodonte ni d’un brigand ; il est plutôt d’une nature délicate et choisie où l’âme règne sur le corps et lui communique avant tout sa puissance. Il a la voix douce, l’air modeste, les manières distinguées, une grande générosité et une immense bonté unies à une fermeté inflexible et à une équité souveraine. C’est bien l’homme du commandement, mais du commandement par la persuasion ; il ne peut gouverner que des hommes libres. Il n’a sur eux que les droits sacrés de la parole donnée et reçue. C’est quelque chose d’enthousiaste et de religieux qui n’a pas d’analogue dans les troupes régulières, et qui forme un épisode des plus étranges dans le temps où nous vivons, au milieu d’une guerre dirigée par de savants calculs et w une sévère discipline. Eh bien, ce contraste d’une petite armée de partisans, marchant pour son compte avec la seule préoccupation de vaincre ou de mourir, n’a pas une