Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/40

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sur la conscience de quiconque resterait insensible devant tant de misère et de malheur.


« Paris, le 20 août 1844.

» Je vous prie de m’excuser si je prends la liberté de vous écrire. Ce n’est pas un homme de lettres ni un poète, c’est seulement un honnête homme, un simple boulanger, un enfant de maître Jacques, qui vient vous représenter la triste position des ouvriers boulangers de la capitale, cette classe si laborieuse qui sacrifie sa jeunesse et sa santé pour enrichir un tas de coquins qui, aux dépens de notre sueur, achètent des maisons de campagne et de belles propriétés. Dans ce moment, nous sommes au moins deux mille sans ouvrage. Moi qui vous parle, depuis le 25 juillet 1843, j’ai travaillé trois semaines et deux jours. Et combien d’autres se trouvent dans la même position et sont obligés de tout mettre au mont-de-piété pour vivre ! Voyez comme c’est malheureux ! Voilà comme cela se gouverne ! Autrefois, nous donnions dix francs au placeur, mais à présent celui qui ne lui donne que dix francs est sûr de rester cinq à six mois sur le pavé, et quelquefois plus. Il faut leur donner trente ou quarante francs ; j’en ai connu qui ont donné soixante francs et un gros dinde pour régaler le placeur. Aussi ceux-là travaillent toujours ; ils ne viennent jamais au bureau. On va les chercher à leur domicile quand ils sortent d’une boutique ; le lendemain, ils rentrent dans une autre. Et le pauvre malheureux