Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/60

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fants des pasteurs, de nos ouailles de la laine pour nous vêtir de notre chèvre le lait et le fromage de notre nourriture, de nos élèves en volailles, chebris ou porcs, un petit bénéfice de vingt, trente ou quarante écus par chacun an. Ça nous sauvait de la misère, ça nous assurait la vie et à nos pauvres enfants. Car enfin, messieurs, calculez ce que gagne et consomme un pauvre journalier chargé de famille, et vous connaîtrez clair comme la parole de Dieu que sans notre petit troupeau nous ne pouvons pas vivre. Le moins qu’un homme, consomme de seigle ou marsèche, c’est 50 francs par an. Mettons qu’il a femme, père ou mère, et seulement trois enfants à nourrir. Quand un paysan n’a que cinq personnes sur les bras, il est bien heureux… Bien heureux ! moins on a de famille, de parents à aimer, plus on est heureux ! Voilà pourtant ce que la misère fait dire et penser… Mais passons. Mettons que, pour ces cinq personnes, trop vieilles ou trop jeunes pour consommer autant que le chef de famille qui peine et travaille, il faille, à raison de 25 francs, par an, un total de 125 francs ; ajoutez le loyer d’une maison et d’un coin de jardin dans notre endroit, c’est le moins 50 francs ; meilleur est le pays, plus chère est la chose. Ça fait 225 francs. Ajoutez l’impôt mobilier, les vêtements, les sabots, en voilà bien vite pour 25 ou 30 francs. Mettons la dépense totale la moindre possible, il faut 250 francs à une médiocre famille pour vivre sans autre régal que le pain et l’eau, sans bois de chauffage et sans chandelle ; je n’ai pas compté le savon, ni le sel qu’on met pour