Page:Sand - Simon - La Marquise - M Rousset - Mouny-Robin 1877.djvu/270

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journaux, et pour cause. La chasse l’absorbait tout entier, et j’ai toujours pensé que, comme chacun de nous a une certaine analogie de caractère, d’instincts, et même de physionomie avec un animal quelconque (Lavater et Grandville l’ont assez prouvé), il y avait dans Mouny une grande tendance à rapprocher le type du chien de chasse de l’espèce humaine. Il en avait l’instinct, l’intelligence, l’attachement, la douceur confiante, et ce sens mystérieux qui met le chien sur la piste du gibier. Ceci mérite explication.

Quelques années après mon aventure du fossé (si aventure il y a), mon frère, étant venu se fixer dans le pays, fut pris d’une grande passion pour la chasse. C’était dans les commencements une passion malheureuse ; car, dans nos vallons coupés de haies et semés de pacages buissonneux, le gibier a tant de retraites, que la chasse est fort difficile. Il ne suffit pas de savoir tirer juste, il faut connaître les habitudes du gibier, combattre ses tactiques par une tactique d’observation et d’expérience, développer en soi la ruse, la présence d’esprit, la patience, n’avoir pas de distraction, savoir tirer au juger parmi les broussailles, ou viser si juste et si vite, qu’un lièvre à la course apparaissant, pour une ou deux secondes, dans un éclairci de quelques pieds d’ouverture, il tombe là, sans quoi il ira se remiser dans des fourrés impénétrables. La perdrix aux champs n’est qu’une chasse d’enfants. Mais le lièvre au pacage est une chasse de maître. Il faut y être bien rompu, bien retors, et le plus habile chasseur de plaine y perdra son latin et sa poudre, à moins que, pour abréger de longues années d’apprentissage, il ne fasse intervenir Georgeon dans ses affaires.

— C’est encore là le plus sûr, nous disait notre ami le garde champêtre. Quant à moi, je n’ai pas la science qu’il faut pour ça ; et puis ça commence bien, mais ça finit