Page:Sand - Simon - La Marquise - M Rousset - Mouny-Robin 1877.djvu/277

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— Et quand cela arrivera-t-il ? demanda mon frère.

— Tout de suite, répondit-il. — Un lièvre parut, il l’ajusta et l’abattit.

— Cette fois il n’y en a qu’un, dit mon frère.

— Entrez dans le buisson, répondit Mouny ; s’il n’y en a pas deux, je veux que celui-là soit le dernier que je tuerai de ma vie.

Nous cherchâmes dans le buisson, il y avait un second lièvre dont il avait cassé les reins du même coup qui avait fracassé la cervelle du premier.

— Comment diable avais-tu fait pour le voir ? lui dis-je ; tu as de meilleurs yeux que nous !

— Des yeux ? répondit-il. Mettez telles lunettes que vous voudrez, et si vous voyez ce que je vois, je vous fais cadeau de mon chien et de ma femme. Allons, allons, vous, dit-il à mon frère, armez votre fusil ; la plume n’est pas loin.

Au bout de cent pas, nous trouvâmes une bande de canards sauvages. Mouny s’abstint de tirer. Mon frère en tua plusieurs, et revint souper avec son carnier plein de canards, de bécasses et de pluviers.

— Quand je vous ai dit que vous ne rentreriez pas sans plumes, observa Mouny ; je savais bien que vous ne tueriez pas de perdrix. C’est égal, vous ne devez pas être mécontent. Pour ma peine, vous allez me promettre, si nous rencontrons ma femme, de ne pas lui dire un mot de ce que nous avons fait à la chasse.

Il nous avait tant de fois recommandé le secret à cet égard-là, que nous n’avions garde d’y manquer. Il ne cachait point à sa femme le gibier qu’il avait tué ; mais de quelle façon il l’avait abattu, avec quel plomb, à quelle heure, en quel endroit, et après quelles paroles, voilà les mystères qu’il fallait lui faire, chaque jour, le serment de ne pas révéler. Il ne chassait guère qu’avec