Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/16

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mettre un crêpe sur les tambours, pour rendre le son moins éclatant à vos oreilles chéries. Enfin on cherchera des moyens et il faut qu’on en trouve, car vous avez un droit suprême et inaliénable, un droit magnifique, le droit de la peur. Bonsoir, seigneur Cassandre, et que les dieux anéantissent le genre humain, plutôt que d’ôter une heure à votre sommeil angélique !

Cette parade se joue à Paris, à toutes les portes cochères, à toutes les fenêtres, dans toutes les rues, à toutes les heures ; on peut la voir et l’entendre gratis. Mais quelle est l’épopée qui succède à cette farce ? Un cortège étrange s’avance du fond de la rue, non pas avec cette roideur de l’ordre militaire qui fait de l’homme une machine perfectionnée, mais avec cette aisance, ce laisser aller du soldat volontaire qui sent l’homme libre, satisfait, passionné pour l’action. L’ordre est pourtant dans les rangs de cette jeune milice qui s’aligne d’elle-même, fière de s’imposer une discipline improvisée. Un Anglais, qui se trouvait près de nous et qui regardait de tous ses yeux, nous demandait un jour où était la mobile. « Elle est devant vous, elle passe, vous la voyez. — Comment, ces petits enfants-là ? — Oui, monsieur, prêts à vous aider à planter l’arbre de la liberté à tous les carrefours de l’univers, et même sur les quais de la Tamise si le cœur vous en dit. »

Ce sont des enfants, en effet, pour la plupart, des enfants de petite taille et d’une apparence assez frêle ; ce sont les enfants de Paris, les enfants du miracle,