Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/181

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les murailles de l’hôtel de ville et les groupes tumultueux qui le pressent, et qu’il se rendît bien compte de l’impuissance du mouvement qui l’a emporté jusque-là, il protesterait sans aucun doute, contre une vaine tentative, et dirait aux factieux : « Vous avez eu tort de compter sur moi. J’étais modéré, il est vrai ; je voulais une république non sociale, mais je ne voulais pas une république monarchique. Laissez-moi, je ne suis pas des vôtres ; je ne signerai rien. »

Mais si, par hasard, pendant une heure ou deux, l’hôtel de ville se trouve au pouvoir des insurgés ; que la garde nationale ne paraisse point, et que, selon toutes les apparences saisissables à M. Marrast (ou à M. Bûchez), le peuple, égaré, démoralisé, trompé, donne les mains au triomphe de la monarchie républicaine, il est fort possible, fort probable que M. Bûchez (ou M. Marrast) saisira résolument, en désespoir de cause, la part de pouvoir qui lui est échue dans la tempête.

Il n’y a aucune espèce de malveillance, aucune nuance d’ironie dans ce que j’avance. Je crois même que, dans ces premiers moments d’une révolution confuse, incompréhensible, le devoir d’un républicain du National serait de ne pas abandonner les rênes, et de se maintenir à la tête du mouvement, pour l’empêcher d’être absorbé d’emblée au profit des rois ; sauf à se retirer le soir ou le lendemain, si l’impossibilité de sauver la République par cet essai venait à être démontrée.

N’est-ce point un peu ainsi que les choses pou-