Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/19

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sandre, personne ne vous y contraint ; mais des regards fiers et brûlants vous le conseillent, et d’ailleurs vous n’êtes pas homme à vous faire prier.

Voilà les processions qu’à chaque instant, à chaque pas, on rencontre dans Paris ; d’autres fois, ce sont des corbeilles tricolores dont on se fait honneur de porter les longs rubans, et qui, au passage, se remplissent d’offrandes volontaires pour la République. Des ouvriers portent aussi sur leurs épaules de lourdes cassettes et vont en cérémonie offrir au gouvernement provisoire le prix d’une journée de travail des diverses corporations. Manifestations touchantes, sublimes deniers du pauvre !

Artistes froissés dans votre orgueil ou dans votre intérêt personnel, ne voyez-vous pas ces mouvants tableaux, ces figures expressives, et le sentiment qui a présidé à ces compositions improvisées ne dira-t-il rien à votre cœur ou à votre talent ?

Et toi, Cassandre, rouvre ta fenêtre, et vois qu’il n’y a pas de têtes au bout des baïonnettes et pas de sang sur les pavés. L’ordre règne à Paris, mais ce n’est pas celui qui régnait à Varsovie il y a seize ans !

8 avril 1848.