Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de maîtriser. C’était la peur que l’Italie ne fût pas assez puissante pour reconquérir par ses propres forces populaires, même cette petite part d’indépendance vis-à-vis de l’étranger, qu’eux aussi, tendres qu’ils étaient pour l’honneur italien, auraient seule voulu revendiquer. Dans leurs écrits ils donnaient, avec une affectation de gravité, avec des allures d’hommes profonds et clairvoyants, des conseils empruntés d’une époque de développement normal et d’hommes habitués aux luttes parlementaires, déjà citoyens de nations plus avancées, à un peuple qui, d’un côté, n’avait rien, et qui, de l’autre, avait tout à conquérir, existence, unité, indépendance, liberté. Le peuple répondait à leurs voix d’eunuques par le rugissement et le bond du lion, chassant les jésuites, exigeant l’institution des gardes civiques et la publicité des débats, arrachant des constitutions aux princes, tandis qu’eux recommandaient le silence, les voix légales, et suppliaient de s’abstenir de toute manifestation pour ne pas affliger le cœur paternel des maîtres. Ils s’intitulaient hommes pratiques, positifs… On aurait dû les nommer les arcadiens de la politique.

Voilà quels étaient les chefs de la faction, et je n’ai pas besoin de les nommer. Et aujourd’hui, quelques-uns, soit ambition du pouvoir, soit vanité blessée par la solitude qui s’est faite autour d’eux, se trouvent à la tête de la réaction monarchique en Italie.

Mais, dès l’avènement à la papauté de Pie IX, on vit se grouper autour d’eux plusieurs jeunes gens qui valaient beaucoup mieux que de tels chefs, attirés