Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/242

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chaque chose a son temps ; pour le moment, il nous faut profiter des hommes qui ont du canon et des armées ; après, nous les renverserons. » Je ne me rappelle pas un seul d’entre eux qui ne m’ait dit ou écrit : « Je suis en théorie aussi républicain que vous l’êtes vous-même, » et qui, en même temps, ne calomniât de son mieux notre parti et nos intentions.

Nous, nous étions républicains de foi ancienne, fondée sur ce que nous avons dit plusieurs fois et redirons encore ; mais, avant tout, pour ce qui touche à l’Italie, nous étions républicains parce que nous étions unitaires, parce que nous voulions que notre patrie fût une nation. La foi nous faisait patients. Le triomphe au principe qui formait et qui forme notre croyance est tellement certain, qu’il ne sert à rien de se hâter. Par décret de la Providence, décret lumineux qui rayonne au loin dans le progrès de l’humanité, l’Europe court vers la démocratie. La forme logique de la démocratie, c’est la république ; la république est donc dans les faits de l’avenir. Mais la question de l’indépendance et de l’unification nationale exigeait une solution immédiate et pratique. Comment l’atteindre ? Les princes ne voulaient pas ; le pape ne voulait ni ne pouvait. Restait le peuple. Et nous décrier comme nos pères : Popolo ! popolo ! acceptant toutes les conséquences, toutes les formes logiques du principe contenu dans ce cri.

Il est faux de dire que le progrès se manifeste par degrés : il s’opère par degrés ; et, en Italie, la pensée nationale s’est élaborée dans le silence de trois siècles