Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/404

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était homme d’action avant tout, et il rêvait toujours les expéditions lointaines.

Il avait acheté une charge de courtier d’assurances maritimes, dont il se démit pour devenir directeur d’une compagnie créée dans le même but.

À la fin de 1851, le gouvernement français lui confia la mission d’aller recevoir à San-Francisco les nombreux émigrants que la fièvre de l’or entassait sans prévoyance et sans ressource sur les rivages californiens.

C’était une mission honorable, délicate, presque héroïque. Les difficultés et les périls qu’elle comportait tentèrent le généreux explorateur. Il partit, hélas ! pour ne plus jamais aborder !

Le 2 janvier 1852, il s’embarquait à Southampton à bord de l’Amazone, magnifique paquebot de la Compagnie anglaise. Quarante-huit heures après, on venait à peine de perdre de vue les côtes d’Angleterre, que l’incendie envahissait l’Amazone[1].

Deux chaloupes où l’on se précipita pêle-mêle furent submergées ; une troisième, ne contint plus que vingt passagers ; mais Gabriel Ferry n’y était pas ! Il avait prévu et constaté le sort des deux premières embarcations ; il ne s’était point hâté de profiter de la dernière planche de salut, et, quand cette barque fut pleine, il répondit à ceux qui le pressaient d’y prendre place :

« Mourir pour mourir, j’aime autant rester ici ! »

  1. Voir sur cet horrible désastre toutes les feuilles du commencement de janvier 1852.