Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/410

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à la force véritable, et le parti pris annoncé contre toute espèce de doctrine ne se soutient-il pas d’un bout à l’autre avec une logique bien serrée. Ceci rend sa critique, aussi obscure par endroits, qu’elle est lumineuse et brillante en d’autres endroits.

Il me répondra, et je le cite avec plaisir lui-même : « À cette œuvre, humble et pure fantaisie littéraire, nous n’avons jamais attaché la moindre prétention philosophique. Les prétentions de ce genre sont tout à fait en dehors de notre tempérament comme au-dessus de nos moyens. On n’y entreverra donc pas l’ombre d’un système préconçu, et c’est à peine si l’on y saisira un plan. — Notre parti le plus simple était de n’en pas prendre du tout. Abandonnée à elle-même, et libre de toute préméditation personnelle, notre pensée, qui n’avait rien de plus logique à faire, vagabonda sur la grand’route des siècles. »

M. Mario Proth était parfaitement libre de former et de suivre ce projet. Tout artiste a le droit d’aller au gré de son imagination. Mais s’est-il tenu parole à lui-même ? s’est-il abstenu de philosopher ? Non, et sa liberté d’esprit a donné un continuel démenti à son système d’abstention. C’est que son esprit est plus sérieux que fantaisiste, et qu’en dépit de lui-même, il éprouve et manifeste l’impérieux besoin de juger. Or, qui juge, discute et disserte, et dès lors il n’est guère permis de trancher sans dire pourquoi et sans le bien savoir soi-même.

Je ne suppose nullement que M. Mario Proth ne le sache pas ; je crois, au contraire, qu’il a des idées