Page:Sand - Souvenirs de 1848.djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ne dites donc jamais, et ne croyez jamais, que leurs sentiments sont contraires aux vôtres. La prochaine fois que je vous écrirai, je vous montrerai que vos intérêts ne sont pas différents des leurs.



V

LES VILLES ET LES CAMPAGNES


Vos intérêts, mes chers concitoyens de la campagne sont les mêmes que ceux de nos concitoyens des villes. Vous n’avez pas une contrariété, vous ne supportez pas un dommage dont ils ne se ressentent. Si le blé manque dans vos sillons, le pain est cher sur la pauvre table de l’artisan. Si le vin manque, l’artisan boit de l’eau, ou du vin de fabrique, qui est plus malfaisant que la privation de vin. Si vous vendez mal la laine de vos moutons, le drap n’en est que plus cher pour lui, car le bas prix, qui fait la fortune du gros commerçant, ne profite pas plus aux petits acheteurs qu’aux petits vendeurs ; si, dans l’intérêt de sa spéculation, le gros commerçant fait faire du drap à bon marché, c’est du drap si mauvais, qu’il ne fait point d’usage, et qu’il aurait mieux valu le payer deux fois plus cher. Il en est de même pour tous les produits que le bon Dieu nous donne et que le travail de vos bras fait venir à bien. Vous ne vivez que par l’échange des denrées, et l’argent qui paye toutes choses n’est qu’un signe convenu pour faciliter cet