Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/109

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marcher, nous allons prendre la petite chez Thomas. J’y paye ma note. Thomas vient me dire adieu dans ma voiture, je dis adieu à mon gendre, et nous partons pour le chemin de fer.

Ah ! si j’étais homme, je ne partirais pas ; mais il faut sauver les enfants, c’est le premier devoir de la femme, le premier besoin de la mère. Et puis que ferais-je ici ? je n’y peux rien que m’y faire tuer. Ce n’est pas encore mon heure, ni celle du vieux Jacques. Ça viendra. Patience donc.

Adieu, pauvre Paris où je suis née, tête et cœur de la France, de l’Europe et du monde. Il plaît à un ambitieux de te mettre à feu et à sang aujourd’hui. Cent mille soldats, enfants de Jacques, vont tirer sur leur père. Ô race humaine. « Des enfants de Japhet, toujours une moitié fournira des armes à l’autre ! »

Nous dînons à six heures dans un sale cabaret, appelé l’Arc-en-ciel. On nous dit qu’on s’est battu tout l’après-midi vers la Bastille, qu’on a tiré le canon, qu’il y avait de hautes barricades. Nous ne savons rien de plus. On n’ose plus aborder un passant, interroger un ouvrier