Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/119

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par la vanité, l’ambition, la jalousie, l’engouement et la méfiance. Jacques a bu la coupe du désespoir, il est ivre ; on prend ce moment-là pour le provoquer, malheur, malheur à lui et aux autres !

Les autres, est-ce qu’ils ne sont pas des Jacques aussi ? Décrassés d’hier ou d’avant-hier, ils sont Jacques. Tout est peuple, tout est l’humanité à la fois adolescente et décrépite, à la fois bonne et mauvaise, intelligente et bête, folle et sage, grande et misérable. Pauvre humanité que je te plains et que je t’aime ! Oui les coupables, les meurtriers, les insensés sont aussi mes frères, mes pères et mes enfants.

Que suis-je de plus que le méchant ? un infirme un peu moins aveugle, voilà tout.

Je hais ce qu’il a de pourri dans l’âme et dans l’esprit, mais sa vie me paraît toujours sacrée, parce que la vie, c’est le chemin vers Dieu, et qu’on peut toujours recouvrer la vue à un moment donné. On peut toujours s’éclairer, se réhabiliter, se convertir.

Si on vous tue, on vous préserve peut-être de bien des malheurs et de bien des fautes, on