Page:Sand - Souvenirs et Idées.djvu/81

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mal de moi, derrière moi ? — Eh mais, sans doute, répond Arnal, sans se déconcerter, cela se fait toujours. Est-ce qu’on va jamais dire à un homme : vous êtes un sot et un drôle ? Fi donc ! Jamais ! C’est justement quand il n’est point là qu’on dit du mal de lui. Allez, vous ne connaissez point les usages, mais moi je sais trop ce que je me dois pour dire du mal de vous autrement que derrière vous. »

Le raisonnement d’Arnal est juste et l’expérience de tous les instants le confirme. Si l’on échangeait à la face les uns des autres autant d’injures qu’on s’en écrit dans la presse, la vie serait un éternel combat, une intolérable querelle. La presse est donc un exutoire pour la haine et le ressentiment. Triste service rendu à l’humanité !

Est-ce la lâcheté humaine qui nous rend plus circonspects dans nos paroles que dans nos écrits ? Généralement non, nous ne sommes point lâches dans ce pays-ci.

D’ailleurs en écrivant du mal d’un homme, on s’expose à sa vengeance tout aussi bien qu’en l’injuriant en face. Mais on y regarde à deux fois avant de s’exposer à tuer matériellement