Page:Sand - Tamaris.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

soler, et, dans les deux cas, je fais mal. Je la laisse mourir ou la rends de plus en plus coupable envers un mari qui vaut probablement mieux que moi.

— Laissez-la mourir, et tant pis pour elle !

— Vous n’êtes pas consolant, docteur.

— Vous n’êtes donc pas consolé, vous ?

— Non ; je plains cette pauvre femme, et, si je suivais mon instinct, mon instinct sauvage comme vous l’appelez, j’irais lui dire que je l’aime encore. Vous voyez bien que je me combats quelquefois. Il en est de même à l’égard de mademoiselle Roque. Je l’aimerais de bien bon cœur, si elle n’en devait pas souffrir.

— Ne profanez donc pas le verbe aimer ! Vous n’aimez ni l’une ni l’autre.

— Je les aime comme je peux et plus que je ne devrais, car il est bien certain qu’aucune d’elles ne réalise mon rêve d’amour. Vous avez beau dire et croire que mon âme est dépensée en petite monnaie ; je sais bien le contraire, moi ! Je sais et je sens que je n’ai pas commencé la vie et qu’il y a en moi des trésors de tendresse et de passion qui n’auront peut-être jamais l’occasion de se répandre. Où est la femme idéale que nous nous créons tous ? Elle existera pour nous un instant peut-être, en ce sens que nous croirons la saisir où elle n’est pas, et que nous prendrons quelque nymphe vulgaire pour la déesse elle-même ; mais l’illusion ne durera pas. Vous