Page:Sand - Tamaris.djvu/158

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vous raconter cela pendant que vous regarderez le point de vue que vous aimez.

Elle s’assit sur un banc creusé en demi-cercle dans le rocher et revêtu de coquillages à la mode italienne. De là, on découvrait la grande rade prise dans le sens de sa longueur, avec ses belles falaises et ses eaux irisées ; mais je n’étais guère disposé à goûter ce spectacle, j’avais un poids atroce sur le cœur.

— Figurez-vous, reprit la marquise, que j’ai été rendre visite à mademoiselle Roque, et que je suis au mieux avec elle.

— Vraiment !

— Oui. Pasquali m’avait renseigné sur cette bizarre et mystérieuse existence d’une fille toute jeune et très-belle abandonnée du ciel et des hommes, enfermée volontairement dans ce coupe-gorge, devant lequel je n’aime guère à passer le soir, et où j’ai pourtant pénétré ces jours-ci, poussée par un sentiment de commisération bien naturel. J’ai trouvé ce que l’on m’avait décrit : une maison à donner le spleen, une espèce de terrasse plantée de cyprès qui ressemble à une tombe, une vieille négresse fantastique, un escalier malpropre, le tout conduisant à un riche salon et à une très-belle et douce personne, moitié Provençale et stupide en tant que demoiselle française, moitié Indienne et très-poétique sous cet aspect-là. Elle a été étonnée de ma visite, elle n’y comprenait rien, quoique je la lui eusse fait annon-