Page:Sand - Tamaris.djvu/173

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se relevait, s’arrêtait, et parlait avec une idée suivie, peut-être selon un rite prescrit. Il interrogeait attentivement les pistes nombreuses des animaux sauvages, et je le soupçonnai même d’être un peu lycanthrope. Je le perdis de vue, et gagnai enfin avec quelque fatigue le sommet à angle presque droit de la montagne. C’est, après tout, une promenade qui n’est pas exorbitante, d’autant plus qu’on peut la faire en grande partie à dos de quadrupède, et je la conseille à tous les amants de la nature pittoresque. La grande masse, brusquement coupée, ne plonge pas dans la mer : une vaste plaine et des falaises l’en séparent ; mais elle est assez élevée pour dominer toutes les hauteurs environnantes et pour que la vue embrasse tout, le littoral de Marseille jusqu’à Nice. Les Alpes montrent leurs cimes neigeuses à l’horizon est, et on y distingue à l’œil nu les fortes brisures du col de Tende.

Mais ce n’est pas l’étendue qui fait, selon moi, la beauté d’un tableau, c’est la composition, et celui-ci est un des mieux composés que j’aie vus. Ces rives austères, hardiment festonnées de la région toulonaise, ne paraissent pas de petits accidents en face de la mer incommensurable, car ces festons sont des golfes et des rades d’une étendue majestueuse et d’une grâce de contours parfaite. Leur grâce a cela de particulier qu’elle n’est jamais empreinte de mollesse : partout des falaises puissantes font ressortir