Page:Sand - Tamaris.djvu/260

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peut-être de malheurs que je devais quitter la marquise. Le baron était bon pour le conseil, mais pas assez ingambe pour courir de la Florade à la Zinovèse, si le péril devenait sérieux de ce côté-là. La marquise avait sans doute pressenti l’horrible vérité ; Paul était peut-être menacé. Ses craintes m’avaient paru exagérées ; mais, dans le calme sinistre des nuits sans sommeil, les fantômes grandissent, et celui-là se présentait devant moi. J’aimais Paul avec une sorte d’adoration, moi aussi ! Que ce fût à cause de sa mère ou parce que l’enfant avait par lui-même un charme irrésistible, je me sentais pour lui des entrailles de père, et l’idée de quelque tentative contre sa vie me faisait venir au front des sueurs froides.

Bien résolu à ne pas le perdre de vue, à faire la ronde chaque nuit autour de sa maison s’il le fallait, à jouer le rôle, atroce pour mon cœur, de fiancé de la marquise, si elle l’exigeait, pour cacher jusqu’à nouvel ordre ses fiançailles avec un autre, à être, quand elle me l’ordonnerait, le confident de cet autre et le sien propre, à les suivre pour les installer où besoin serait ; à me consacrer en un mot, âme et corps, à l’œuvre effrayante de leur salut, j’épuisai dans cette nuit d’insomnie le calice de ma souffrance. Je voulus regarder tout au fond et en savourer tout le fiel, afin d’être préparé à tout. Et je ne voulus pas lutter contre moi-même, ni me dissimuler que mon amour insensé grandissait dans cette épreuve ; mais