Page:Sand - Tamaris.djvu/47

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charmant paysage, qu’as-tu donc fait à l’homme barbare de ces contrées ?

Au reste, le site, qu’achevait d’enlaidir la bastide aux trois yeux crevés, la bastide cyclope que j’avais devant moi, était d’une tristesse navrante. Des champs maigres où l’on ne connaît pas le bluet, et que n’égayait pas encore la fleur du glaïeul pourpré des moissons ; au delà des champs, les pentes pierreuses de la colline, l’horizon fermé par une ligne symétrique d’oliviers blafards et par la masse carrée du fort Napoléon : il y avait là de quoi mourir du spleen en vingt-quatre heures. Tout à coup l’idée me vint que ce maussade terrain pourrait bien être le mien, la cause de mon séjour forcé dans un pays où je n’avais rien autre chose à faire que de m’en défaire. Qui me l’eût demandé en ce moment eût pu l’avoir à bon marché ; mais non, la dot de ma pauvre petite sœur ! Voyons ce que cela peut être.

Je pris une espèce de chemin à demi perdu sous les sillons et obstinément disputé à la charrue par les lentisques, et je cherchai une entrée. Il n’y avait pas de clôture à la petite cour infecte placée derrière la maison ; le pays nourrit très-peu de bestiaux ; donc il manque d’engrais, et, ne voyant point là de fumiers, je cherchais la cause de cette insupportable odeur. Des grognements sourds me firent remarquer que j’étais sur une espèce de pont à fleur de terre, et qu’une demi-douzaine de porcs engraissaient