Page:Sand - Tamaris.djvu/64

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passage : je l’ai choisi parce que ce n’est pas la mode de s’y arrêter ; mais, à force de venir me voir en passant on ne me laisserait plus seule, et que de questions, que de persécutions pour m’arracher à cette solitude ! Vous savez ! les gens qui ne comprennent la campagne qu’avec la vie de Paris ou la vie de château ! On me trouverait bizarre d’avoir les goûts d’une bourgeoise ; peut-être irait-on jusqu’à me traiter d’artiste, c’est-à-dire de tête folle, ou bien l’on supposerait que j’ai quelque intérêt de cœur bien mystérieux pour vivre ainsi dans une villa de troisième ordre, loin de toute région adoptée par la mode. — Et toutes ces questions, toutes ces insinuations, toutes ces critiques, tous ces étonnements devant mon enfant, qui, un beau matin, me dirait : « Ah çà ! mère, tu es donc bizarre ? Qu’est-ce que c’est ? » Je vous confie mon secret ; il ne pourra pas durer bien longtemps, mais ce sera toujours autant de pris, et, quand on viendra me crier : « Mais vous ne pouvez pas vivre ici ; vous y mourrez ! le climat tuera votre fils ; comment ! vous, habituée au luxe… » j’aurai le droit de répondre : « C’est le luxe qui tuait mon fils, et nous voilà ici depuis assez longtemps pour savoir que nous nous en trouvons bien. »

— Vous pouvez compter sur ma discrétion. Sans doute votre famille sait où vous êtes ?

— Je n’ai plus de famille, docteur ; aucun proche parent du côté de mon mari ni du mien. Quant à de