Page:Sand - Tamaris.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

» Arrivé à l’endroit où nous nous sommes rencontrés tout à l’heure, j’entendais encore des accents de désolation. Un peu plus loin, je vis de la lumière à la fenêtre d’un maraîcher du faubourg de la Seyne. La fenêtre était ouverte, et j’entendis une voix d’homme dire à sa femme, probablement réveillée par ces cris :

» — Rien, rien ! Ce sont les sorcières de la bastide Roque qui font leur sabbat. Ferme donc la fenêtre !

» J’aurais dû ne pas retourner à cette bastide maudite. J’y retournai, poussé par la curiosité, par l’imagination, si vous voulez ; j’y retournai le soir, avec mystère, m’avisant bien de cette idée que je ne devais pas compromettre mademoiselle Roque. Ce fut effectivement mademoiselle Roque, et non plus Nama que je vis ce soir-là. Il paraît que le rite était accompli quand j’arrivai. On m’attendait. Le café était servi. Mademoiselle Roque, parlant patois et vêtue à la française, grave, froide et polie, s’expliqua, et je vis alors, à ses discours, qu’elle me prenait pour vous.

— Pour moi ?

— Oui. Elle avait appris vaguement, le lendemain de la mort de son père, qu’elle n’héritait que de la moitié de son avoir, qu’un parent avait droit au reste et viendrait probablement bientôt s’occuper de vente. Elle avait supposé que l’étranger arrivé si brusquement chez elle vers minuit ne pouvait être