Page:Sand - Tamaris.djvu/81

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de son épais rideau. Vous n’avez pas remarqué sans doute que de cette fenêtre on voit la mer et les montagnes. Un store transparent, à demi baissé et éclairé par la lune, jetait sur la muraille une mosaïque pâle et d’un effet charmant. Il y avait des fleurs partout. Nama parut, vêtue à la manière des almées, dans les riches atours qui lui venaient de sa mère. Elle était superbe ; elle parlait français pour la première fois. Elle se plaignait de mon abandon, elle pleurait, elle aimait avec une complète innocence et surtout avec une hardiesse de cœur qui me tourna la tête. Elle flattait par son courage et sa foi ma manière de voir et de sentir la vie, et elle agissait ainsi sans le savoir, ce qui la rendait bien puissante.

» Eh bien, mon cher ami, je fus très-fort, et je suis encore étonné d’avoir pu résister à l’emportement de ma nature. Non-seulement je lui refusai un baiser, non-seulement je m’acharnai à lui faire comprendre mon devoir et le danger de sa confiance, mais encore je la quittai brusquement sans lui dire : Je t’aime. Je l’aimais pourtant diablement dans ce moment-là.

» Le lendemain, je n’étais pas dégrisé. Croyez-moi si vous voulez, j’ai passé plusieurs nuits sans fermer l’œil. Je voyais toujours cette belle fille chaste et même froide me regarder d’un air de reproche et se jeter dans le sein de sa négresse en disant :

» — Il ne veut pas m’aimer !

» Je ne l’ai donc jamais trompée ! Non, pas un