Page:Sand - Tamaris.djvu/96

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de fraîcheur qui réjouit. Le calcaire a des formes puissantes qui imposent ; mais l’uniformité de sa couleur est implacable et produit dans l’esprit une idée de fatigue et de soif.

Cette esquisse est le résumé des courtes remarques échangées entre la marquise et moi durant une demi-heure de marche sur ce beau chemin, qui rappelle un peu certains coins ombragés de la Suisse. Madame d’Elmeval n’avait jamais voyagé ; elle n’avait conservé de souvenirs pittoresques que ceux de son enfance passée en Bretagne. Elle s’exagérait donc facilement la beauté de tout ce qu’elle voyait. Cette disposition de son esprit, cette joie de posséder, après de longues aspirations, le spectacle de la nature, rendaient sa compagnie vivante et charmante. Elle n’avait pas d’emphase descriptive, pas de cris d’admiration enfantine. Elle gardait bien le sérieux et la dignité d’une femme qui approche de sa maturité intellectuelle ; mais elle savourait à pleins yeux et à plein sourire la vie des choses de Dieu. On la sentait heureuse, et on était heureux soi-même auprès d’elle sans avoir besoin de l’interroger.

Vers la lisière de la forêt dont nous traversions le plus court diamètre, les herbes diminuent, les arbres s’étiolent, les lentisques et les genêts épineux, amis du désert, reparaissent, et la garigue s’ouvrit tout à fait devant nous, creusée en bassin, rétrécie en rides sur ses bords et entourée des montagnes du cap