Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/212

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alors j’ai épié, j’ai espionné, je me suis caché dans tous les coins, j’ai écouté à toutes les portes, et, ma foi, j’ai découvert ce que je voulais savoir, ce que ma fine tante ne savait point ou ne voulait point me dire. Ah ! ma tante, ça vous étonne ; voilà un compliment qui n’est pas appris par cœur.

SÉVÈRE.

Imbécile !

Elle va s’asseoir à droite.
MARIETTE.

Et qu’est-ce que vous avez appris et découvert, Jean ? J’espère que vous voudrez bien le dire.

JEAN.

Oui, Mariette, je le dirai, car nous sommes là pour ne rien nous cacher. Eh bien, j’ai découvert que vous aviez du goût pour le champi et que vous n’en étiez que plus sage, parce que le champi n’y correspondait point du tout. Pour lors, je me suis dit : « Voilà une fille superbe, une fille de grand esprit, qui ne serait point pour le nez de Jean Bonnin, si le dépit d’une autre amourette ne l’y poussait point un peu. » Et alors, comme, à force de vous épier, j’étais devenu amoureux comme un fou, je me suis demandé si ce ne serait pas un assez grand bonheur que de gagner petit à petit votre amitié, sans vous contrarier et sans perdre patience. Et, là-dessus, j’ai été trouver ma tante, et je lui ai dit : « Je vois clair à me conduire, ne vous mêlez de rien. » Mais elle, qui ne connaît que son intérêt, m’a menacé de vous dire tant de mal de moi, que jamais vous ne voudriez me regarder. Alors, j’ai fait comme les autres, j’ai donné de l’argent à ma tante pour l’engager à ne rien dire contre moi… Grondez-moi, si vous voulez, Mariette, car, si ma tante avait connu mon amour, elle aurait bien pu me faire donner tout ce que j’ai au monde ; mon sang et mes écus, rien ne m’eût paru trop cher pour n’avoir point d’ennemi auprès de vous. Elle m’a servi à sa manière, elle vous a dit du mal de mes rivaux, chose que je n’exigeais point. Voyons, Mariette, est-ce que je suis mau-