Page:Sand - Theatre complet 1.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sylvain.

Non, mon père, c’est contre la coutume ; il faut que ça soit le plus jeune ou le plus vieux de la bande, et je ne suis ni l’un ni l’autre.

la mère fauveau.

C’est juste ! La coutume avant tout, et mêmement dans ma jeunesse c’était toujours le plus vieux, on estimait que ça portait plus de bonheur.

rémy, descendant près de la gerbe.

Le plus vieux sans contredit, c’est moi, et je connais la cérémonie mieux que personne. (Regardant la gerbe.) D’abord, est-elle faite comme il faut, la gerbe ? Il y faut autant de liens que vous avez eu de moissonneurs ! Et puis il ne faut point épargner l’arrosage, le vin du bon Dieu. (À ce moment les filles de ferme, sur un signe de Sylvain, rentrent à gauche et reviennent avec des brocs de vin et des gobelets qu’elles déposent sur la table. Le père Rémy continue de parler pendant ce jeu de scène.) Et puis après, vivent la joie, la santé, l’amitié, l’abondance ! Vivent les jeunes ! (Regardant les enfants qui se groupent autour de lui.) Et vive aussi le petit monde. Tout ça ira, chantera, dansera. (Avec respect.) Mais avant tout, faut consacrer la gerbe, car on ne doit point se jouer des vieux us.

rose.

Faites donc tout à votre idée, vieux, et à l’ancienne mode, vous aurez la gerbe pour récompense.

rémy, souriant.

J’aurai la gerbe ? Et me donnerez-vous aussi des bras pour l’emporter chez moi, à six lieues d’ici ?

rose.

J’entends ! On y mettra le prix, mon brave homme, et vous choisirez le blé ou ce qu’il y aura dessous. Allons, voilà mon estimation, cinq francs pour la gerbaude ! Que chacun fasse comme moi, suivant ses moyens. Les plus pauvres mettront ce qu’il pourront. Ça ne serait qu’un petit cadeau, un petit sou, ça porte toujours bonheur à qui le donne.

Elle met une pièce de cinq francs au pied de la gerbe.